Les caves et charpentes

Localisation :

Tours

Dates :

État du batiment :

Conservé

Comble à ferme débordante – 2 rue du Grand-Marché.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue.

L’architecture urbaine, principalement résidentielle, est par essence vouée à être transformée pour s’adapter aux besoins de l’habitat qui évolue aux cours des siècles pour répondre aux besoins et aux modes de chaque époque. Aussi, caves et charpentes qui sont moins soumises aux impératifs de l’habitat, sont-elles des structures essentielles à la compréhension de l’architecture urbaine, car elles conservent bien souvent une structure plus authentique.

 

Les caves 

Les définitions et occurrences du mot « cave » sont variables, selon les lieux et les époques. Depuis le Moyen Âge, une cave désigne un « lieu en creux ou lieu souterrain » [Dictionnaire du Moyen Français]. Si une thèse de doctorat a été menée dans les années 2010 sur les caves et niveaux bas de l’habitat médiéval (Xe-XIVe siècles) dans l’agglomération de Châteauneuf [Marot, 2013], les caves des maisons tourangelles de la Renaissance n’ont pas encore fait l’objet d’études.

La cave médiévale hérite de la tradition constructive des « bâtiments sur poteaux » qui, dans le monde rural ou urbain du IVe au XIIe siècle, possèdent des pièces excavées sur 1 m de profondeur ou plus. Lieux de stockage des provisions, ces cavités répondent à des fonctions en relation avec les l’habitat ou les bâtiments agricoles. Des fosses pouvaient notamment être creusées pour l’ensilage de grains. La première urbanisation vers l’an mil ne fait que transposer ce modèle dans le cadre de la ville. Toutefois, certaines caves peuvent avoir été, à l’origine, des celliers de plain-pied, enterrés par la suite par l’exhaussement des sols. Il est courant que ces celliers soient voûtés en pierre. Mais l’existence de caves en pierre ne permet pas de déterminer la nature des matériaux des niveaux supérieurs qui peuvent aussi bien être en pierre qu’en bois. La pierre isole de l’humidité du sol et protège notamment les pans de bois [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 16-17]. Il en va ainsi des niveaux de cave et de rez-de-chaussée en pierre de la maison 5 rue du Serpent Volant et de la maison 32 rue Briçonnet. Dans l’architecture de brique, on rencontre également cette technique de construction. Au château du Plessis-lès-Tours, le soubassement de pierre abritant des caves sur lequel s’assoit un appareil de brique composant les deux niveaux d’étage du logis offre une solide assise tout en gardant le bâtiment des remontées humides par capillarité. 

 

La cave peut aussi bien être contemporaine des étages qui la surmontent que susceptible d’avoir été reconstruite antérieurement ; elle peut aussi résulter d’une reprise en sous-œuvre, d’un agrandissement de la demeure [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 17] ou d’un rassemblement de parcelles. Dans ce dernier cas, la construction de la cave entre deux édifices existants par exemple nécessite l’étaiement des murs mitoyens et des accès propres à chaque cave. L’étude des caves offre ainsi la possibilité de retracer l’histoire d’un îlot, d’une parcelle, d’un bâtiment… Les différentes caves de la maison n°1-3 place Foire-le-Roi montrent que la parcelle s’étendait autrefois plus en longueur. Des corps de bâtiment parallèles à la rue Benjamin Constant encadraient une cour et se divisaient en plusieurs appartements, comme le prouve un couloir reliant les caves.

Les caves à Tours ont une surface généralement inférieure à 70 m², correspondant à l’emprise du parcellaire d’origine (des façades sur rue de 6 à 10 m pour une profondeur de parcelle de 15 à 25 m)  [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 17]. Le voûtement est courant et varie en fonction des typologies constructives ou des matériaux disponibles : voûtes en berceau renforcées ou non d’arcs doubleaux, voûtes d’arêtes, voûtes d’ogives. La solution du plafond de bois reste plus rare  [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 19]

Les accès aux niveaux bas se font par des escaliers soit intérieurs soit extérieurs, directement depuis la rue ou la cour, dont les portes sont fermées par des verrous. Toutefois, à  partir du XVIe siècle, les règlements urbains ont tendance à interdire tout empiétement sur la voirie [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p.27]. La position des maisons sur la rue a une forte incidence sur l’accès aux niveaux bas : les édifices en front de rue peuvent comporter des accès directs aux caves depuis la rue (maison 3 place de Châteauneuf) mais cela ne semble pas systématique [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 282]. Mais les accès peuvent aussi être rejetés à l’intérieur de la demeure. L’escalier droit intérieur descendant à la cave au 3 rue du Panier Fleuri possédait vraisemblablement une ouverture en plein-cintre encore visible dans le mur arrière de l’édifice, à l’opposé de la rue [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 278].

 

 

La cave est également le lieu dans lequel prennent place un certains nombres d’aménagements, comme les latrines. Au 3 rue du Panier Fleuri, un conduit débouchant en sous-sol dans une pièce étroite correspondrait ainsi à une fosse de latrines [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 279]. De même, la présence de puits est fréquemment mais pas systématiquement relevée dans les caves et pourrait répondre à la nécessité de disposer d’un point d’eau. La maison 32 rue Briçonnet illustre cette disposition.

Les fonctions de certains édifices sont également perceptibles par l’étude des niveaux bas, de stockage domestique, commercial ou communautaire. Des fonctions plus complexes de représentation et de lieu de négoce sont parfois décelables. Bien des caves ne constituaient pas seulement des lieux de stockage mais servaient de débits de boissons voire d’auberges au Moyen Âge et à la Renaissance [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 28]À Châteauneuf, une densité d’occupation très forte dès le XIIe siècle et l’omniprésence du bâti en pierre témoigne d’une certaine richesse des habitants. Il existe ainsi soixante maisons avec des niveaux entièrement enterrés et vingt-sept semi-enterrés. Dans chaque cas, les couvrements sont formés soit par des voûtes soit par des plafonds [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 273]. Les bourgeois de Châteauneuf sont au XIIIe siècle des banquiers, des changeurs, des hôteliers et des marchands, spécialisés notamment dans le commerce du vin. Leurs habitations pouvaient donc intégrer un espace lié à leurs activités. Ces riches bourgeois construisent vraisemblablement des maisons-tours qui manifestent leur volonté de s’organiser face aux chanoines de Saint-Martin. Outre une utilisation commerciale, les caractéristiques des niveaux bas de ces maisons-tours montrent qu’ils pourraient avoir eu une fonction de représentation sociale [Alix, Gaugain, Salamagne (dir.), 2019, p. 284].

Pour conclure, disons que si les caves renaissantes n’ont pas été étudiées à Tours, notons toutefois que la permanence de l’habitat tourangeau est bien connue. Il y a donc tout lieu de croire que nombre de caves médiévales étaient encore en usage à la Renaissance.

 

Les charpentes

La charpente est un « assemblage de pièces de bois, de métal, de béton armé servant à constituer l’ossature fixe ou provisoire d’une construction » [CNRTL]. À Tours, pour couvrir les maisons et les hôtels, les charpentes de comble possèdent un système d’assemblage en bois simple que l’on dit à chevrons-formant-fermes [Bonnin, 1979, p. 61]. Elles perdurent au-delà de 1500 alors même qu’à cette époque les charpentes à pannes sont privilégiées dans les habitations d’Orléans ou d’Amboise [Noblet, 2013, p. 11-12]. Une variante du comble simple – la charpente à ferme débordante – est très couramment employée tandis que la charpente de comble à surcroît se fait plus rare [Bonnin, 1979, p. 61]

 

Le comble simple

Utilisé pour les maisons à pignon et à gouttereau sur rue, sa ferme terminale est à l’aplomb du mur pignon. Chaque ferme se compose de chevrons-arbalétriers qui reposent sur une panne faîtière. Une panne sous-faîtière raidit l’ensemble des fermes. À la maison de la Pucelle armée, 39-41 rue Colbert, les chevrons-arbalétriers sont espacés de 55cm et leur épaisseur atteint environ 10 cm [Bonnin, 1979, p. 61-62]. 

L’angle formé par les chevrons, un angle aigu de 60° degré environ, donne la pente de la toiture. La hauteur moyenne sous comble est de 4,5 m [Bonnin, Toulier, 1980, p. 67].

Pour assembler la charpente, le charpentier inscrit des marques sur les pièces de bois. Chaque côté du bâtiment a sa propre marque et il n’existe pas de règle. Il appartient au charpentier d’établir une distinction entre les versants du toit et les murs du bâtiment : par exemple, des « marq-francs » pour le versant sud, des « contre marqs » pour de versant nord, des crochets le mur latéral ouest et des « pattes d’oies » pour le mur est [Bonnin, 1979, p. 62]. 

 

Le comble à ferme débordante 

La ferme terminale est en encorbellement et repose sur des blochets, éléments horizontaux qui eux-mêmes sont soutenus par des consoles [Bonnin, 1979, p. 62]. Les consoles peuvent être de véritables éléments de décor. Au 12 rue du Grand-Marché par exemple, des consoles à feuillages soutiennent les blochets du comble à ferme débordante. 

 

Console à feuillages soutenant les blochets : Maison 12 rue du Grand-Marché.
Crédits : photo © Ophélie Delarue

 

Les charpentes des maisons d’angle comportent souvent une ferme débordante sur chaque façade [Bonnin, 1979, p. 62]. Les deux pignons sont réunis par des noues (1 place du Grand-Marché ou 2 rue du Grand-Marché).  

 

Comble à ferme débordante dont les pignons sont réunis par des noues : 2 rue du Grand-Marché.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

 

Un cas unique de quatre pignons réunis par des noues pour couvrir le quadrilatère d’une pièce existe au 1 rue du Docteur Hermany tandis que l’autre bâtiment est couverte d’un comble en appentis [Bonnin, 1979, p. 63]. 

 

Maison 1 rue du Docteur Hermary, plan extrait de Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].

Le comble à surcroît

Aussi appelé comble à accroissement ou à exhaussement, le comble à surcroît dispose d’une charpente reposant sur le haut du mur. Cela signifie que son niveau de sol est situé sous le niveau de l’entrait ou des blochets. Ce type de construction est rare à Tours, alors qu’à Rouen par exemple, le comble à surcroît est courant. Martine Bonnin inventorie un seul cas de comble à surcroît à Tours au 34 rue Étienne Marcel [Bonnin, 1979, p. 63]. 

 

La toiture

Les toits sont majoritairement en ardoise. Seul le faît du toit de la maison au 16 rue Albert Thomas semble être recouvert de tuiles [Bonnin, 1979, p. 63]. Mais il s’agit là d’un état actuel, qui mériterait d’être reconsidéré à la lumière notamment des mentions d’archives. La tuile était peut-être plus courante qu’il n’y paraît, comme à Amboise ou à Orléans par exemple.

 

 

Bibliographie

Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art, sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].  
Bonnin Martine, Toulier Bernard, « La maison à pan de bois », dans L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. 10, 1980, p. 63-72.
Dictionnaire du Moyen Français (DMF2), ATILF / Université Nancy – CNRS.
Le Trésor de la Langue Française informatisé, ATILF / Université Nancy – CNRS.
Marot Émeline, Architecture civile et formation du tissu urbain de Châteauneuf (Tours) du Xe au XIVe siècle, thèse de doctorat en histoire et archéologie médiévale, Université de Tours, 2013.
Marot Émeline, « Châteauneuf (Tours) : construction d’une identité urbaine aux Xe-XIIe siècles », dans Lorans Élisabeth et Rodier Xavier (dir.), Archéologie de l’espace urbain, Tours/Paris, PUFR/Éditions du CTHS, 2013, p. 221-234.
Noblet Julien, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives », dans Alix Clément et Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
Alix Clément, Gaugain Lucie, Salamagne Alain (dir.), Caves et Celliers au Moyen Âge et à l’époque moderne, actes du colloque du 4-6 octobre 2017, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2019.